3 SEMAINES PLUS TARD...
« Bonjour ! Où
allez vous ? »
« Peu importe, et vous ? »
« Olafsvik ! »
« Parfait »
Je dis souvent que j’aime l’Islande comme j’aime les femmes, mais
là, elle exagère, quatre jours qu’elle pleure sans interruption cette gonzesse
là. Le ciel gris et bouché crache son trop plein de solitude et mon taux
d’hydratation frôle les cent pour cent, tant ce chagrin me pénètre de toute
part.
Je suis sur la péninsule des Snaefellsnes, qui est à l’Islande ce
que la Bretagne est à la France, mythes et légendes compris.
« Sale temps, hein ! »
« Ouais, comme vous dites ! »
« Français ? »
« Atchoum !! »
Il roule vite avec sa voiture rouge sur cette piste de cendres
noires.
« Je vous dépose ici ? »
« Génial ! Merci encore, au revoir ! »
LE LENDEMAIN
Bientôt une demi-journée que je poireaute dans ce fast-food trop
kitch où l’on me regarde d’un sale œil. A trois euros le café, je ne vais pas
m’en jeter un tous les quart d’heures, non plus !
C’est dans ce lieu de débauche où les islandais(es) se goinfrent
à longueur de journées, de hot dogs caoutchouteux et de sodas qui font roter
(sachant que les journées durent vingt quatre heures en cette période, je vous
laisse imaginer la somme de calories englobées) qu’hier, j’ai retrouvé par
hasard, Pascal et Ludivine (Sagnier de son nom, l’égérie de François Ozon, la
fée clochette de Paul Hogan) avec qui j’ai trecké du Landmannalaugar jusqu’à
Thörsmörk, trois jours durant, bravant froid, neige, pluie, blizzard,
brouillard, torrents, norvégiens et norvégiennes.
La pluie fait semblant de cesser, j’en profite pour marcher
jusqu’à la sortie du village d’où je pourrai mimer la position de
l’auto-stoppeur désespéré. Je n’essaye même plus de slalomer entre les gouttes
et, pour des raisons liées au réchauffement de mon corps, j’évite la position
statique et progresse d’un pas soutenu, avec pour point de mire, un soleil
invisible caché sous trente six couches de nuages de diverses épaisseurs et de
multiples textures.
En France sur le bord des routes, l’on trouve des hérissons
décédés, en Islande ce sont des poissons qui parfois jonchent le talus. Ne me
demandez pas comment ils atterrissent jusqu’ici, peut-être tombent-ils du ciel.
Ou des camions.
Celui qui est sous le nez de mes pieds, je le trouve
photogénique, il ressemble à un piranha desséché, l’œil vide et la gueule
béante. Je déchausse mon sac à ventre qui contient mon matériel photographique.
J’ajouterai son portrait à ma collection de photos morbides, il servira
peut-être un jour pour illustrer une pochette de CD ou une couverture de
fanzine.
Je discerne un point noir qui s’approche à la vitesse d’une
voiture, les voitures sont si rares, il faut pourtant que je fasse ce cliché.
Ce point noir grandit et à présent je le vois rouge. Aie !! Pas la peine
de sortir l’appareil, une voiture rouge c’est pour ma pomme. Cela fait onze jours aujourd’hui que je ne
suis pas monté dans un véhicule d’une autre couleur, dans ce pays ils ne sont
pourtant pas tous rouges, mais ceux qui s’arrêtent pour me charger,
si ! »
« Arnarstapi ? »
« OK, monte ! »
silence
« Français? »
« Atchoum!! »
Cinquante années bien tassées, cheveux blancs apparemment
propres, barbe de deux jours, le gars saisit un numéro sur son portable. Une
étiquette dépasse du col de son pull-over. LAVAGE A LA MAIN
UNIQUEMENT ; enfin j’imagine, l’islandais et moi ça fait
deux, je sais juste dire takk, (merci) alors je dis takk
à l’homme avec l’étiquette qui dépasse de son pull, pour le remercier d’être le
propriétaire d’une voiture rouge.
« Je viens d’appeler ma femme, tu viens boire le café à la
maison ! »
C’est un ordre ou une question ? Je m’entends
répondre :
« Euh….merci, enfin..…takk ! »
En vérité dans ma tête je pense : Putain, génial, un café
chaud chez des vrais gens, il y aura aussi des tartines, trois semaines que
j’en rêve !
Quelques kilomètres plus loin, Hellisandur, le village le plus à
l’ouest de l’Islande, donc de l’Europe et pourquoi pas du monde. Mon
sympathique sauveur se prénomme Pàll, il vit dans un petit lotissement où les
maisons sont si basses qu’on les croirait enterrées, elles se protègent ainsi
de la promiscuité des bourrasques de vent qui inlassablement, maltraitent les
côtes voisines. Chaque habitation de ce lotissement est cernée d’un jardinet
exagérément entretenu, où les colonies de nains de jardin viennent se
reproduire et nicher. La villa de mon hôte se différencie à sa manière, l’on
s’imagine plus volontiers à Beyrouth-ouest que dans une histoire de Blanche
Neige. Les cordonniers sont les plus mal chaussés, ce qui explique que Pàll
soit paysagiste.
« Bonjour madame, enchanté ! »
Je me déchausse, passe sous l’arbre généalogique encadré dans le
hall d’entrée et pénètre dans la petite cuisine, savourant du coin de l’œil la
ribambelle de vivres, étalée sur la table en formica.
Hanna est une femme menue et un peu recroquevillée, sous ses
cheveux ternes elle se force à sourire, je fais comme si de rien n’était et
m’exécute volontiers lorsqu’elle m’invite à me servir. La conversation est
limitée, l’on m’a appris à ne pas parler la bouche pleine. Tour à tour, ce sont
des fruits frais, des pains croustillants garnis de miel de confiture ou de
beurre, des tranches de gâteaux fait maison, qui font les frais de mon appétit.
Ils me présentent, par le biais de quelques photographies, leurs
deux jeunes filles. Hanna m’offre un pot de confiture noirâtre, c’est paraît-il
de la rhubarbe. Pàll apporte d’autres albums. Sur le premier je ne découvre que
des clichés du Snaefelljökull, ce fameux glacier-volcan dans lequel Jules Verne
fit pénétrer ses héros pour le Voyage au centre de la Terre.
Cette montagne mystique est à la pointe de la péninsule des
Snaefellsnes, donc tout près d’ici. Les photos sont laides, mal cadrées,
bancales. Pourquoi donc un tel acharnement photographique ?
Le deuxième album qu’il me tend ne répond pas à ma question, mais
confirme mon premier sentiment : Ces gens vouent un véritable culte à
cette montagne légendaire. Reste à en
connaître la raison !
Je m’applique à faire semblant de trouver intéressante cette
séance de visionnage, avec la crainte de voir débarquer sous le bras de Pàll,
un troisième album du même style, tandis que Hanna me tend un crayon et un
carnet, afin que j’appose sur la page concernée, mes coordonnées postales en
vue d’une future et prospère correspondance.
Alors que mon estomac se prosterne pour rendre grâce à
l’hospitalité de monsieur et madame Ragnarsdottir, Pàll s’adresse à moi pour
m’annoncer que lui et sa femme vont me conduire jusqu’à Arnarstapi, nous en
profiterons ainsi pour visiter en chemin, les lieux dignes d’intérêts.
C’est
vraiment très aimable de leur part de s’occuper ainsi de moi, j’imagine que
leur vie doit être un peu monotone et les occasions de rencontrer un étranger
plutôt rares, ce qui explique leur dévouement si spontané et leur envie de
partager leurs connaissances au sujet leur majestique pays.
Mon sac à
dos grimpe dans le coffre, moi sur la banquette arrière, tandis que Pàll et
Hanna s’embarquent à leurs places respectives.
Je ne vais
pas me lancer dans une description des paysages islandais, c’est volcanique
certes, mais c’est esthétique avant tout. Suivant la météo, un champ de lave
peut devenir inquiétant, mystérieux, hostile, attractif, captivant ou pire
encore, ensorcelant.
Un rocher
un peu plus haut que les autres et voici que Pàll se lance dans un récit
invraisemblable avec trolls et trollettes à la clef. Il semble bien connaître
le terrain et chaque excroissance naturelle est propice à un commentaire
surnaturel.
Dans un
virage je reconnais Jimmy. Il a une sale gueule, il ne s’est pas recoiffé
depuis son accident d’hier et personne ne s’occupe de lui, mais après tout ce
n’est pas si grave, Jimmy n’est qu’un 4x4 (rouge). Un de ses pneus a éclaté
alors que Pascal et Ludivine médisaient à propos de Sophie Marceau,
s’ensuivirent deux ou trois tonneaux, une brève visite à l’hôpital d’Olafsvik
et des problèmes d’assurance à se taper la tête contre les murs.
Hanna me
demande à présent si je connais Jean Michel Roux, un réalisateur français, qui
semble t-il, vient de terminer un documentaire consacré aux mondes invisibles
qui font de ces terres, une source intarissable d’histoires à dormir debout. Si
je comprends bien, ils auraient témoigné eux mêmes dans ce film, je réponds
toutefois par la négative à la question précédemment posée tout en mémorisant
dans un coin de mon cerveau, l’identité de ce cinéaste en prévisions
d’éventuelles recherches informatives sur ce sujet.
Alors que Pàll
s’évertue à conduire prudemment, (surtout après la vision de Jimmy à l’agonie)
Hanna se tourne à nouveau vers moi et le plus naturellement du monde, me pose
la question suivante :
« Est
ce que tu crois aux extra-terrestres ? »
J’ai
l’intime conviction que l’abordage de ce sujet n’est pas anodin, je réponds
tout de même que oui, en apportant ma pierre à l’édifice, sous forme d’un
témoignage qui semble intéresser mes amis islandais. Je décris une observation
faite au mois de novembre 1996 où j’ai observé pendant plusieurs minutes, deux
objets métalliques rester en position stationnaire dans le ciel, puis
soudainement filer à toute vitesse alors que l’un d’entre eux apparaissait,
disparaissait, apparaissait, disparaissait.…
Après avoir
contacté une association locale qui recueille les témoignages de ce genre,
j’appris que notre région était souvent visitée de la sorte, car il semblerait
que les OVNI viennent se recharger en énergie dans une espèce de source
magnétique cachée au cœur des monts du Jura.
X-files
livré à domicile !
Hanna hoche
la tête tandis que Pàll prend de grandes bouffées d’oxygène, il semble soudé au
volant et cloué sur son siège, étrangement il a cessé de s’adresser à moi en
anglais, il se contente de parler en islandais alors que sa femme gère la
traduction lorsque ça l’arrange. Elle me raconte à peu près les mêmes choses
que moi, au sujet du Snaefelljökull. Ici aussi des OVNI sont souvent observés
et ils profitent de la puissance du champ magnétique logé à l’intérieur du volcan
pour venir faire le plein des batteries en passant par un couloir intemporel
qui servirait d’ascenseur entre les différentes dimensions.
Intéressant !
Je ravale
ma salive.
Rentrer en contact avec qui ? Des êtres d’une
autre planète ? Si je n’ai pas peur ? Ce qui sous entend
qu’éventuellement je pourrais avoir peur ?
Non, je
n’ai pas peur, enfin je sais pas, peut-être, oui, si finalement je crois que
j’ai peur, oui, j’ai un peu peur quand même.
Où
suis-je ? Parti en vacances en Islande, voici que des gens comme vous et
moi me proposent le plus simplement du monde de serrer la paluche à des petits
hommes verts-de-gris.
Je n’ai
toujours pas répondu à la proposition d’Hanna, elle rajoute :
« Aujourd’hui la configuration nuageuse est idéale et propice à ce
genre de contact, alors ? »
Ben alors,
je sais pas moi, c’est tellement inattendu, ils auraient pu me prévenir, je me
serais rasé, changé, j’aurais apporté des fleurs ou une bouteille de Bordeaux,
j’aurais préparé une série de questions, je sais pas moi… vous êtes sûr… c’est
pas dangereux ?
Les
questions, en ce moment, elles se bousculent toutes seules et en désordre, dans
mon cerveau.
« Et
vous, êtes vous en contact avec eux ? » me hasarde-je.
Hanna se
retourne une nouvelle fois vers moi et prononce d’une voix très aiguë, un « yeeeeesssssssssss » qui me glace le sang.
Répaticulons, heu…récapitulons, ça y est j’ai trouvé, ils doivent faire
partie d’une secte, ils sont fous, ont ne peu pas rencontrer des
extra-terrestres à la commande, sous prétexte que les nuages sont comme ceci ou
comme cela. Et il m’inquiète de plus en plus, le Pàll avec ses bouffés
d’oxygène qui le font ressembler au ressort central de la literie d’un vieux
couple en plein effort copulatoire.
Nous
tournons à droite, sur une piste qui rejoint une plage volcaniquement
intéressante. Dans la voiture, règne un silence de mort, j’essaie de détendre
l’atmosphère sans calculer les répercussions qu’engendrera la question qui
s’apprête à jaillir de ma bouche.
« Et
vous, vous êtes des extra-terrestres ? »
Pàll se
raidit, Hanna regarde son mari qui se raidit en se raidissant elle même, et je
les vois changer tout les deux de couleur. J’aurais démasqué un cambrioleur la
main dans le sac, ou encore mieux, j’aurais arraché la cagoule de Spiderman,
ils n’auraient pas eu une réaction moins différente.
« Vous le pensez vraiment ? »
« Heu… Je ne sais pas… Pourquoi pas…
Peut-être… »
Sur un ton
très autoritaire, Pàll s’exprime à nouveau dans sa langue maternelle, Hanna
acquiesce; pour une raison que j’ignore, ils sont en colère, je n’ai pourtant
rien dit de mal, c’est plutôt bon enfant de demander à des gens s’ils sont
originaires d’une lointaine planète, peu importe laquelle, pourvu qu’ils se
sentent sur la terre, aussi bien que chez eux, je ne suis pas humanoïdophobe
moi.
Pàll se
gare sur le bas coté, il descend de la voiture, ouvre le coffre, jette mon sac
par terre et me fais signe d’en faire autant, il remonte dans la voiture,
effectue un demi tour en faisant crisser les pneus et repart par où nous sommes
arrivés. Je me risque à leur faire un signe d’adieu, Hanna me répond par un
petit sourire désolé.
A ma
place, qu’auriez vous à cet instant, pensé?
Vous, je ne
sais pas, mais moi, à cet instant là, ma tête est vide.
Vide de
chez vide.
Je
m’ébroue, me pince, respire un bon coup et je dégaine mon petit carnet de note,
pour y inscrire à chaud, ce que je viens de vivre.
Les embruns
de l’océan ne pourront que me revivifier, je planque mon sac derrière un
monstre de magma solidifié et je marche tête baissée, jusque sur la côte toute
proche. J’escalade une armée de blocs de lave dressée comme une muraille
hachurée avant d’arriver sur un petit promontoire dominant un terrain
longitudinal et un peu enclavé. Sur le sol, tel un vestige de l’ère viking, se
détache un labyrinthe circulaire. D’un diamètre inférieur à trois mètres, il
est formé de pierres volcaniques soudées entre elles par un amalgame de mousse
et de lichen. En son centre, un cairn insensible au vent, me toise ouvertement.
J’associe
cette découverte avec les événements de ces dernières minutes. Peut-être ne
devrais-je pas.
Si je me
place face à l’entrée de ce labyrinthe, je remarque que celui ci a été érigé
au cœur de la lande, dans un couloir naturel, avec droit dans l’axe, le
Snaefelljökull, dissimulé aujourd’hui au cœur des nuages. Ce couloir est bien
évidemment l’empreinte terrestre du couloir intemporel dont Hanna m’a parlé.
Qu’est-ce que les choses sont simples quand
la description d’un fait, d’un objet ou d’un paysage, ne comporte aucune
limite !
J’ôte ma
parka, mon pull, pose mon sac photo, je me dois d’être léger et amovible. Je me
sens envahi d’une mission, et guidé par mon instinct, je tente une expérience
mystique. Je saisis une belle pierre digne de cet instant et pose un premier
pied à l’intérieur du cercle.
Deux
possibilités, deux directions, deux choix. Droite ou gauche. A l’est ou à
l’ouest?
Concentration.
Observation.
Si je
m’engage à droite, j’arrive directement au centre, trop facile, je pars donc à
gauche.
Je tourne
en rond et débouche dans une impasse. Je pourrais enjamber les pierres, mais à
ce jeu là, je crois que l’on ne triche pas. Demi tour, case départ, toujours ma
pierre dans la main, j’atteins le centre alors qu’un frisson électrique me
parcourt de bas en haut.
Je dépose
solennellement ma pierre au sommet du cairn. En direction du sud, j’ouvre mes
bras comme pour enlacer le ciel en invoquant les éventuels messagers branchés
sur le secteur et je guette tout faisceau de lumière apte à me soulever du sol
et à me téléporter dans une dimension supérieure, dans un monde où les
habitants, ni ne mangent de fromage, ni ne se battent entre eux simplement
parce qu’ils n’ont pas le même dieu.
Je dois
avoir l’air ridicule dans cette position de réceptacle. Qui peut cependant me
voir ? Une sterne arctique ? Un grand méchant labbe ? trois
moutons débonnaires? Ce seraient bien les seuls en tout les cas à me venir en
aide pour me faire comprendre que ce n’est pas la peine d’insister. Je n’ai pas
la bonne clef, ni le bon diapason.
Je suis un
peu déçu, si proche du but.
Tant de
phénomènes étranges accumulés par hasard en si peu de temps, et si le mot coïncidence
n’existait pas, si ce jour devait être pour moi celui de la Vérité, si les
membres du club très fermé des Mondes Invisibles avaient désiré faire ma
connais-sance simplement pour que je leur enseigne l’art et la manière de faire
du bon pain bien rustique. Il se peut que je sois passé aujourd’hui, à coté de
quelque chose qui me dépasse, ainsi en a décidé mon destin, je n’étais pas tout
à fait prêt. Allez, ce n’est que partie remise.
Un des
objectif de mon voyage était de ramener de ce pays, des images et des pensées
pour la finalisation d’un court métrage traitant de l’homme vert. Cet homme
vert qui sommeille en chacun de nous et que si peu de consciences découvrent.
Je suis saturé de matière première, pourtant ce mini projet cinématographique
est toujours resté à l’état larvaire, laissant place au désormais cultissime
"Projet Qivitoq".
Je me
rhabille et atteins enfin la dernière limite des terres. Ça fait du bien, le
brame des vagues, le fumet du varech, l’appel du large.
Je longe la
côte, à l’affût d’une tête de phoque surfant dans le roulis. Cette balade n’est
pas de tout repos, il faut sans cesse faire de grands pas pour enjamber les
nombreuses fissures et trous enclavés dans les coulées de lave qui se meurent
sur la plage et dans lesquels stagne de l’eau de mer déposée par la marée
haute. La plage est propre, si ce n’est les débris végétaux, animaux ou marins
qui la peuplent.
Après
quelques dizaines de mètres à crapahuter sur ces effleurements rocheux, je
débusque une chose incroyable qui me laisse …voltairien.
Dans l’un
de ces trous aqueux isolé, se manifeste ostensiblement, quelque chose que j’ai
bien du mal à décrire. Pour vous donner une vague idée, je définirais cela
comme un serpent de lumière d’un rouge vif presque fluorescent. Ce ruban flotte
entre deux eaux, il ne semble ni solide, ni liquide, peut-être gazeux.
Et si
c’était cela la vie extra-terrestre, un impalpable filament rouge sang, noyé
dans une cuvette d’eau de mer, une substance inorganique, écarlate comme une
cuisse de nymphe émue, générant suffisamment d’énergie pour glisser d’une
planète à l’autre en utilisant nulle autre technologie que les aspirations
cosmiques et les trajectoires rigoureuses des super novas de service.
En
appliquant simplement cette formule, je vous prouve que tout cela n’est pas
utopique :
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D’ailleurs,
pourquoi toujours schématiser les êtres venus d’ailleurs en leur affublant des
mains palmées à quatre doigts, des yeux sans pupilles et un front à la Barthez.
Et si cette chose un peu visqueuse et légèrement mouvante n’était pas
originaire de notre planète, et si par ce mouvement lascif, presque érotique,
elle essayait de communiquer avec moi, et si j’écoutais ce qu’elle veut me
dire, pas avec mes oreilles, non, avec le reste, avec mes yeux, avec mon
esprit, avec ma conscience.
Je
n’entends qu’une seule chose, une petite voix dans ma tête qui me
dit : « Tu devrais faire une photo, quelque soit l’origine de ce
truc, en plus d’être unique, c’est beau. Très beau. »
La preuve,
lors de chaque exposition photographique, il s’agit de ce cliché qui recueille
en priorité, les faveurs du public intrigué. Il n’est pas rare que l’on
m’accuse de falsificateur et je me contente de répondre : « Prouvez
le ! »
Je tire
donc deux portraits de cette bête qui me fait désormais penser à une rose
excentrique jalousée par les linaigrettes avoisinantes et je dépense mes
ultimes forces pour rejoindre la route principale avant le passage de la
dernière voiture rouge.
L’histoire
ne s’arrête pas là. Le lendemain, l’esprit un peu plus clair et chaussé de mes
groles humides, je tente une approche amicale envers le Snaefelljökull. J’ai
entendu dire que les tibétains considèrent cette montagne comme l’un des
centres vitaux du monde, ce qui explique peut-être aussi que l’attraction
qu’elle exerce sur moi soit incontrôlable. Une autre rumeur, islandaise cette
fois ci, raconte que chaque rocher qui hante cette île, est un troll pétrifié.
Je ne vous avait pas menti, lorsqu’en début de chapitre j’écrivais : Mythes
et Légendes compris.
Les flancs
du volcan sont bien assez raides, je m’octroie une petite halte méritée, en
posant mes fesses sur une belle pierre poreuse et tapissée de mousse épaisse.
Dans la position du Penseur de Rodin, (rappelez vous de ça, c’est important)
j’essaye de repérer parmi les éboulis de lave, où donc se cachent les trolls
locaux. Avec un peu d’imagination, j’en rencontre des dizaines, aux corps
tortueux et trapus, aux visages zoomorphes ou boursouflés, aux membres
difformes et cabossés, aux pensées irrévérencieuses ou amicales.
Face à moi,
j’en remarque un particulièrement troublant, il a une position qui m’est
familière, il ressemble au…
…Penseur de
Rodin.
Oups !
Je me lève précipitamment avant de subir le même sort que ces petits lutins
empierrés et me frictionne les bras pour anéantir cette désagréable sensation
de chair de poule qui soudainement s’est emparée de moi.
Les quatre
jours suivants, je me découvre des dons de voyance. Ça fait bizarre la première
fois. Et puis l’on s’habitue. J’ai cru en des coïncidences un peu perverses,
mais non, je pense que mon esprit était positivement en alerte et surtout un
peu en avance sur moi. J’ai eu des flashs de voyance, un point c’est tout.
Seize mois
plus tard, lors d’une conversation téléphonique avec Jean Michel Roux (comme
quoi mes recherches ne furent pas infructueuses) j’appris que Pàll était, et est
toujours, un médium reconnu et respecté. Par le simple fait de le fréquenter,
il m’aurait transmis (volontairement ? involontairement ?) une petite
dose de ses pouvoirs surnaturels.
Je ne fus pas surpris non plus d’apprendre que le
Snaefelljökull est un lieu surveillé de près par la secte Raël et pour de
bonnes raisons, je soupçonne maintenant Sophie Marceau de faire partie de cette
secte.